Personnages célèbres

de Dordogne

Catherine de Médicis

Théâtre de rue à Bergerac

Catherine de Médicis est venue à Brageirac en 1565 le 8 août lors d'un voyage destiné à apaiser les frêres ennemis en religion.

Elle est accompagnée de près de 7000 personnes, chacune est dotée de 2 chevaux minimum, ce qui donne une idée du cortège.

Le voyage durera près de 3 ans

A cette occasion elle présente son fils Charles IX que le peuple aura le temps de voir grandir et essayer de s'affirmer.



 

 

Isabeau de Limeuil (1531 - 1609)

Isabeau de Limeuil est née du mariage de Gilles de la tour, seigneur de Limeuil, et de Marguerite de la Cropte, dame de Lanquais.
Mademoiselle de Limeuil, Isabeau de la Tour de Turenne, avait seize ans à peine en 1561 quand Catherine de Médicis, dont elle était une cousine éloignée au cinquième degré (les deux femmes étaient issues de la famille De La Tour d'Auvergne), Reine-Mère et Régente du royaume la manda à la cour pour y être à son service en qualité de demoiselle d’honneur.
Que leur fille ait été choisie par la reine, voilà qui mettait les Limeuil en renom. Déjà les dames bourgeoises, devisant par petits groupes, commentaient cette merveilleuse nouvelle avec une fierté nuancée d’une pointe d’envie. Isabeau de Limeuil était d'une grande beauté selon ses contemporains, et la jeunesse seigneuriale du pays s’attristait à la pensée de voir s’éloigner pour toujours cette beauté blonde aux yeux bleus et de ne plus être sous le charme d’un inoubliable sourire.
Mais Marguerite, dame de Limeuil, s’inquiétait des mœurs de la cour que l’on disait fort libres et du long voyage de sa fille, car les routes étaient peu sûres et les temps incertains. Bientôt pourtant l’animation fut grande au château et dans la petite ville, puis vint le jour du départ.
Alors s’ouvrit la grande poterne du château et l’on vit sortir au son des trompes, sur les lourds chevaux harnachés en parade, le seigneur Gilles et ses gardes du corps, puis la gracieuse demoiselle Isabeau dans la litière de voyage marquée aux armes des La Tour : écu droit écartelé, aux un et quatre semé de France à la tour d’argent qui est la Tour d’Auvergne, aux deux et trois cotisé d’or et de gueule qui est de Turenne sur le tout d’Auvergne, d’or au gonfanon de gueules, frangé de sinople et timbré d’une couronne ducale (1)
Pour les besoins particuliers de sa politique, le Reine Mère avait toujours autour d’elle un essaim de dames et de demoiselles d’honneur séduisantes. On les voyait partout dans le froissement de leur soieries, bourdonnantes ou insinuantes et toujours légères ; on les appelait « L’escadron volant ». Choisies à dessein pour cette finesse d’esprit propre à certaines femmes et qui est tant redoutée des hommes, les plus perspicaces aux amours comme à la guerre s’y laissant prendre les premiers, elles avaient pour mission de démasquer par les jeux de la galanterie les projets des intrigants. La consigne était de séduire mais de ne rien donner ; que si l’on se trouvait poussée dans un retranchement, faire ce qu’il convenait pour sauver les apparences afin qu’aucune suite désobligeante ne révélât la joute où l’honneur féminin avait succombé au plaisir de vivre.
Isabelle de Limeuil aurait été successivement la maîtresse de Claude d'Aumale (troisième fils du duc de Guise, Claude de Lorraine) puis de Florimond Robert II (neveu du premier Florimond Robert qui fut le trésorier et l'ami de François Ier). Il est à noter que Florimond II était déjà secrétaire d'état à l'âge de 26 ans, mais surtout était une "créature" des Guise.

Liaison avec le prince de Condé

C'est peut-être "sur ordre" de la reine Catherine qu'elle devint aussi, vers 1562, la maîtresse de Louis Ier de Bourbon, prince de Condé (qui était frère du roi de Navarre, Antoine de Bourbon et donc l'oncle du futur roi Henri IV). Isabelle avait alors 27 ans et était une des plus séduisantes demoiselles de la cour. Condé en devint fort épris. Cette liaison aurait eu pour but de détourner le prince de Condé de son rôle de chef des troupes huguenotes. En juillet 1563, Condé perdit sa première épouse Eléonore de Roye, année où naquit un fils illégitime de sa liaison avec Isabelle de Limeuil. Cette naissance produisit grand bruit à la cour car elle se déroula lors d’un déplacement de la reine à Dijon et ne put ainsi être cachée. Écartée par la reine qui montra sa réprobation, elle fut envoyée un temps au couvent des Cordelières d’Auxonne avant d'être finalement libérée.

Le prince de Condé se désintéressa par la suite d'Isabelle ainsi que de leur enfant, car il souhaitait se remarier après son veuvage. Or Isabelle n'était pas d'une noblesse suffisamment élevée pour devenir la seconde épouse du prince Louis 1er de Condé qui était un descendant du frère du roi Saint Louis et également le beau-frère de la reine de Navarre, Jeanne d'Albret, elle-même nièce du défunt roi François Ier... En outre, les chefs huguenots ne tenaient pas à ce que la prince épouse une catholique, Isabelle, et préconisait une alliance avec une protestante. Délaissant définitivement Isabelle de Limeuil, il épousa donc en 1565 Françoise d'Orléans Longueville, de très haute noblesse et fort belle femme, et protestante. Isabelle de Limeuil ne pardonna jamais à son amant. Quant ce dernier fut assassiné à Triac, à la fin de la bataille de Jarnac, Isabelle vint contempler le corps qui avait été exposé sur une table au Château de Jarnac. Elle n'eut qu'un seul mot envers Condé : " Enfin !"


Madame de Sardiny

Isabelle "fit une fin". Il lui fallait bien mettre terme à cette vie mouvementée qui causait quelque scandale. Elle épousa en 1567 le richissime financier italien de Catherine de Médicis, Scipion Sardini qui avait neuf ans de plus qu'elle. Si ce mariage apparaît plutôt dicté par la raison (Isabelle était une fille qui avait "fauté" et ne pouvait plus prétendre à un beau parti de haute naissance), il n’en confirme pas moins que d'Isabelle auprès de la reine fut de courte durée. Dans ce mariage, on peut voir, l'entremise - "la patte" - de la reine mère qui faisait d'une pierre deux coups : elle récompensait son fidèle Sardini qui épousait ainsi une des plus belles femmes de son temps et sa cousine Isabelle était enfin casée. Scipion Sardini était à cette époque l'un des hommes les plus riches de France. La monarchie lui avait également affermé la perception de certains impôts (charge extrêmement lucrative qui sera tenue un peu plus tard par les fameux fermiers généraux). Son union avec Isabelle lui apportait la certitude, pour ses enfants à naître, d'appartenir, par leur mère, à une vieille et authentique noblesse.
Désormais, Isabelle de Limeuil devint Madame de Sardiny (Scipion qui avait été anobli par Charles IX, avait francisé son nom et bénéficiait d'armoiries parlantes représentant des sardines d'argent sur fond d'azur). Le couple acheta en 1600 le château de Chaumont-sur-Loire (qui avait précédemment appartenu à Catherine de Médicis puis à Diane de Poitiers et enfin au cousin d'Isabelle, le vicomte de Turenne). Isabelle de Sardiny ajouta désormais à son nom le titre de baronne de Chaumont et de vicomtesse de Buzancy (autre terre et château que possédait son mari). Mais le couple vécut la plupart du temps à Paris, notamment dans le magnifique hôtel particulier situé au 13 de la rue Scipion (du prénom de Sardini) dans le 5ème arrondissement. Isabelle et Scipion moururent tous deux en 1609, elle à 74 ans et lui à l'âge de 83 ans.

Plusieurs enfants naquirent de cette union dont :
• Nicolas Sardini (?), seigneur de Prunay
• Alexandre-Paul Sardini (1574, 1645), baron de Chaumont-sur-Loire, Vicomte de Buzancy en 1609
• Paul Sardini (?, 1667), mêmes titres à la mort de son frère.
• Madeleine Sardini

1) description prise à une note manuscrite figurant parmi les papiers personnels de Monsieur Albert Bélanger.
2) Mr Bélanger, Historien amateur à qui nous devons les recherches sur Isabeau de Limeuil

L’office de tourisme de Limeuil vend un roman « Isabeau de Limeuil, une histoire d’amour au XVI siècle » au prix de 4 euros


Sources :
Contact animatrice : Mathilde Gourgousse
Service Tourisme de la Commune de Limeuil
Tél : 05.53.63.38.90
Email : tourisme.limeuil@orange.fr
Site Internet : www.pays-des-bastides.com 

Texte rédigé par Mme Jeannine Colson
(Mme Tartine) : mmetartine2@wanadoo.fr

 



 

  
   

"Lawrence d'Arabie" (16 août 1888 – 19 mai 1935)

Lawrence d'ArabieLe jeune anglais Thomas Edward Lawrence, plus connu sous le nom de "Lawrence d'Arabie", étudiant à l'université d'Oxford en 1907, se passionne pour l'histoire médiévale, plus spécialement les croisades, les templiers et les troubadours.
Il choisit de réaliser une thèse sur l'architecture militaire des châteaux des templiers et des croisés. En 1908, comme voyage de fin d'études, il décide de faire un tour de France en vélo des sites remarquables.

Remontant du sud, Lawrence est passé d'abord à Monpazier les mercredi 12 et jeudi 13 août 1908. Il y écrit à sa mère que "Monpazier (sic) a été construite par les Anglais" et, à son meilleur ami, que "Monpazier est la plus parfaite des villes bastides", dans deux lettres qu'il poste le 16 août 1908. Toujours à vélo, il part voir le champ de bataille de Castillon pour revenir le vendredi 14 août 1908 à Saint-Michel de Montaigne.
"De Castillon, je me rendis à Périgueux en passant par Montaigne. C’est là que se trouvait le domaine du grand homme, et la tour qui contenait sa 'librairie' existe toujours. Le château lui même a été reconstruit ("chastels" en langue d'Oc)."

Après Montaigne, Lawrence remonte ensuite la vallée de l'Isle, passe à Périgueux, puis à Hautefort, passionné et impressionné par le fameux troubadour guerrier de Hautefort, Bertran de Born, comme il l'écrit encore à sa mère. Il continue à remonter le Périgord, passe côté Limousin pour réaliser le rêve et le but de son voyage : être le jour de ses vingt ans au château de Châlus, à l'endroit où le fameux Richard Cœur de Lion s'est fait tué (le roi des Anglais pour Lawrence, précisément un duc d'Aquitaine devenu roi des Anglais).

Toujours poussé par sa passion des châteaux croisés, templiers, et des troubadours, Lawrence dés 1910 part au Liban et en Syrie pour étudier l'architecture des châteaux des templiers et des croisés. Il apprend l'arabe pour étudier les sources musulmanes sur l'histoire des croisades... Et c'est ainsi qu'en 1914, l'armée anglaise commande les services d'un jeune anglais parlant l'arabe et connaissant parfaitement la région...

En 1935, alors qu'il roulait en moto, il est victime d'un accident, survenu près de Bovington, dans le Dorsetshire. Après quelques jours dans le coma, Thomas E. Lawrence s’éteint à l'âge de 46 ans.

Voici le passage méconnu de la vie de Lawrence. Pourtant ce passage de sa vie est incontournable. Sans sa passion pour les croisés, les templiers, Richard Cœur de Lion et les troubadours, le fameux Lawrence (d'Arabie) n'aurait probablement jamais existé.


Une grande randonnée de cyclotourisme sera proposée l’été prochain 2009 sur les traces de Lawrence d'Arabie à travers le Périgord.

M. Jean-François Gareyte (Pôle patrimoine de l'Agence Culturelle Départementale Dordogne Périgord)

 

 

 

 
   

Louis Delluc (1890-1924)

Louis DellucRéalisateur, scénariste et critique français
Après de brillantes études classiques, ce périgordin, né à Cadouin, devient homme de lettres et critique de spectacles. Conquis par le cinéma américain, il fonde la critique cinématographique. Il est à l'origine du mot " cinéaste". Démobilisé en 1919, il lui reste cinq ans pour éveiller le cinéma français, éditer Le Journal du Ciné-club et Cinéa, créer les ciné -clubs. Il tourne sept films dont deux immortels chefs-d'œuvre : « La Femme de nulle part » et « Fièvre ». Chef de file de l'avant-garde, il laisse une œuvre féconde au terme d'une vie brève, puisqu'il meurt à 33 ans.
Chaque année, le prix Louis-Delluc récompense le meilleur film français.
Louis Delluc est un des cinéastes dont le nom est le plus connu. Ses films, très rarement projetés, passionnent les cinéphiles. Ses critiques de cinéma ont été rééditées par la Cinémathèque française.

Le Cinéma Lux – Louis Delluc au Buisson de Cadouin porte le nom de ce célèbre cinéaste.
 

Louis Delluc


Bibliothèque du Buisson de Cadouin
Mme Florence Dufour
Tél : 05.53.23.86.08
Couriel : bibliotheque.buisson@wanadoo.fr

 

L’affaire Jeanne Baret
Jeanne Baret est née, le 27 juillet 1740 dans une petite bourgade de Bourgogne, La Comelle, au nord-ouest d’Autun. Elle passe les premières années de son existence à la ferme de son père. Lorsque ce dernier décède en 1762, elle devient gouvernante chez le docteur Philibert Commerson, veuf, pour veiller à l’éducation de son jeune fils Archambaud.
Elle a 22 ans, le docteur en a 35. Très vite, il est séduit par l’intelligence et la vivacité d’esprit de la jeune femme. Il lui donne des leçons de botanique et lui confie la préparation des herbiers.
Deux années plus tard, le couple déménage pour Paris. Commerson vient d’être nommé botaniste du roi Louis XVI et, à ce titre, doit entreprendre un voyage dans les terres australes. Il accompagne Monsieur de Bougainville en qualité de médecin botaniste de sa Majesté pour y faire, comme il l’écrit dans son testament, avant de partir : « des observations sur les trois règnes de la nature dans tous les pays où les officiers me conduira ; ainsi Dieu me soit en aide… »
Dans un premier temps, Jeanne n’est pas du voyage. Une ordonnance datant du 15 avril 1689 interdit aux femmes d’embarquer sur les navires de la Marine Royale. Mais Commerson écrit peu de temps avant d’embarquer à un ami : « On m’a passé un valet de chambre, gagé et nourri par le Roy ».
Il risque beaucoup : toute sa carrière scientifique est en jeu mais il ne peut pas laisser Jeanne. Elle sera son valet !
Deux bateaux sont affrétés pour l’expédition de Bougainville : une frégate, La Boudeuse, et une flûte, L’Etoile.
Le 6 février 1767, à Rochefort, Commerson suivi de son valet Jean Baret montent à bord de L’Etoile pour un long périple.


La vie à Bord
Pour accompagner son amant, le botaniste Philibert Commerson, Jeanne Baret, déguisée en valet au service du docteur, a réussi à s’embarquer sur l’Etoile le 1er février 1767 pour une expédition dans les mers australes dirigée par Monsieur de Bougainville.
La vie à bord n’est pas des plus simples… En effet, il n’y a que des hommes à bord des bateaux de la marine royale et Jeanne doit faire preuve de beaucoup de finesse et de prudence pour garder son secret. Les premiers jours à bord sont difficiles. Commerson et Jeanne sont très à l’étroit sur cette flûte qui sert de navire entrepôt à l’expédition. De surcroît, le docteur n’a pas le pied marin. Pendant près de deux semaines, Commerson reste alité, soigné et nourri par son domestique Jean Baret. Pour ne pas attirer les regards sur eux, il cesse d’évoquer sa santé, objet de toute son attention depuis le départ de Rochefort. Quant à Jeanne, elle fait tout son possible pour paraître un homme, tant par la force de travail que par les propos. Elle travaille comme un forcené afin d’écarter les soupçons. Mais sans s’en douter, ils sont observés.
Vivès, chirurgien major et membre de l’expédition, jaloux du statut de botaniste du Roi de Commerson, écrit dans son journal de bord « Le soin particulier qu’elle prenait pour son maître ne paraissait pas naturel à un mâle domestique. Après le premier mois, le doux repos qu’ils goûtaient fut interrompu par un petit murmure qui s’éleva dans l’équipage sur ce que, disaient-ils, il y avait à bord une fille déguisée. On jeta sans balancer les yeux sur notre petit homme. Tout annonçait en lui une femme : une petite taille, courte et grosse, de larges fesses, une poitrine élevée, une petite tête ronde, un visage garni de rousseur, une voix tendre et claire, une adroite dextérité et délicatesse…faisaient le portait d’une fille assez laide et assez mal faite. » Le commandant feint d’ignorer cette rumeur mais le bruit devient trop général. Jeanne Baret est alors obligée de rejoindre les autres domestiques sous le gaillard d’avant sous peine d’être mise aux fers. Mais là encore, ses compagnons tentent de vérifier s’il s’agit d’un homme ou d’une femme. Elle se défend en affirmant à qui veut l’entendre « qu’il n’est nullement du sexe féminin mais si fait de celui dans lequel le Grand Seigneur choisit les gardiens de son sérail. » Bref Jean Baret est un eunuque. Cette explication, soufflée probablement par Commerson, calme l’équipage quelques temps.
La traversée jusqu’à Montevideo dure trois mois sans autres faits majeurs, si ce n’est le passage de l’équateur. L’usage veut que l’on prête serment, devant le « bonhomme » fabriqué à cette occasion, de « ne jamais baiser la femme d’aucun marin ni matelot absent. » Jeanne Baret et Philibert Commerson se soumettent alors de bonne grâce à ce rituel. Après l’escale de Montevideo, l’Etoile poursuit sa route vers le sud, sans s’arrêter aux Malouines que Bougainville doit restituer aux Espagnols. L’expédition arrive en Patagonie, Commerson peut enfin herboriser en compagnie de son domestique.
Les soupçons sur Jeanne se sont un peu calmés, comme en atteste ce passage du journal de Bougainville, « Comment reconnaître une femme dans cet infatigable Baret, botaniste déjà fort exercé que nous avons vu suivre son maître dans toutes ses herborisations et porter même, dans ses marches pénibles, les provisions de bouche, les armes et les cahiers de plantes avec un courage et une force qui lui ont valu le surnom de bête de somme ? »


La supercherie est dévoilée.

Jeanne Baret navigue à bord de l’Etoile, déguisée en homme. Elle a tout fait pour se fondre dans l’équipage. Jusque là, le voyage se déroule sans encombre.
Après la Patagonie, l’expédition continue sa route vers le détroit de Magellan. Le 26
janvier 1768, l’Etoile entre dans le Pacifique. Voilà tout juste douze mois que l’on a quitté Rochefort. On n’a pas beaucoup avancé, alors qu’au départ, la durée du voyage était estimée à dix-huit mois. Muni de cartes plus ou moins exactes, Bougainville évite l’île de Pâques et continue sa route pour enfin mouiller au large de Tahiti le 3 avril 1768.
Le 4, alors que les navires se rapprochent des côtes, plus d’une centaine de pirogues à balancier les abordent. Aoutourou, un indigène, monte à bord et y reste quelques jours.
La cohabitation entre Tahitiens et Français est pacifique : ces derniers ont pu, après d’âpres négociations, installer un camp à terre pour soigner les malades. C’est alors que survient l’épisode du 7 avril.
Jusqu’alors, les marins ne connaissaient qu’un seul mot du vocabulaire tahitien « Tayo » qui signifie « ami ». Mais ce matin-là, Commerson accoste sur l’île avec son domestique pour herboriser. A peine ont-ils mis pied à terre qu’une foule d’indigènes surexcités les encercle en criant « Ayenne !
Ayenne ! ». Un indigène s’empare alors du jeune domestique et s’enfuit avec sa proie sous les yeux éberlués du pauvre Commerson...
Il fallut la présence d’esprit d’un officier qui se trouvait là par hasard et qui, de son épée « fit écarter toute la populace et effraya le courcié qui lâcha prise »
L’incident est rapidement maîtrisé, mais le soir du 7 avril, les marins de l’Etoile avaient appris un nouveau mot en tahitien, « femme ».
En fait, il semblerait que les indigènes ont reconnu Jeanne à l’odeur. Cela est vraisemblable, compte tenu des conditions d’hygiène à bord et du climat de Tahiti. De plus, ils n’avaient pas d’a priori sur le langage social du vêtement chez les Européens. Ils ont simplement « senti une femelle ».
Jeanne reste désormais à bord par mesure de sécurité tandis que Commerson continue d’herboriser sur l’île sans plus trop de conviction. Bougainville, qui se trouve sur la Boudeuse, ne peut ignorer l’incident mais ne fait rien.
L’expédition repart le 14 avril et ce n’est qu’un mois plus tard, à la suite de conditions de navigation difficiles et d’un début d’épidémie de scorbut qu’il règle cette question. Le 28 mai, il note dans son journal « j’ai vérifié à bord de l’Etoile un fait assez singulier. Depuis quelque temps, il courait le bruit dans les deux navires que le domestique de Monsieur de Commerson était une fille. Plusieurs indices
avaient fait naître et accréditaient le soupçon. Elle m’a avoué, les larmes aux yeux, qu’elle avait trompé son maître en se présentant à lui sous des habits d’homme à Rochefort au moment de son embarquement. Elle savait, qu’en embarquant, il était question de faire le tour du monde, et ce voyage avait piqué sa curiosité. Elle sera la seule de son sexe et j’admire sa résolution, d’autant qu’elle s’est toujours conduite avec la plus scrupuleuse sagesse. La Cour, je crois, lui pardonnera l’infraction aux ordonnances. L’exemple ne saurait être contagieux » ;
A bord des deux navires, tous savent désormais que Jean Baret est une femme. Malgré cela, les hommes de l’équipage n’auront de cesse de vérifier par eux même la féminité du domestique, en vain.


La disgrâce

Embarquée depuis 14 mois à bord de l’Etoile, Jeanne s’était faite passer pour homme mais son stratagème est découvert lorsqu’elle débarque sur l’île de Tahiti en avril 1768.
L’expédition poursuit sa route à travers le Pacifique puis l’Océan Indien. L’attention finit par se détourner de Jeanne Baret et de Philibert Commerson. Il n’y a plus de mystère à leur sujet et d’autres préoccupations sont venues prendre le relais. La mer devient mauvaise et les navires ont besoin de réparations, les vivres s’épuisent et les rencontres de pirogues deviennent de plus en plus hostiles. Jeanne Baret n’apparaît donc plus digne d’intérêt jusqu’à l’Ile de France devenue aujourd’hui l’Ile Maurice. Le couple débarque le 8 novembre 1768 à Port Louis avec toutes ses collections d’histoire naturelle.
Bougainville note alors sobrement : « Messieurs de Commerson et Verron consentirent pareillement à différer leur retour en France ; le premier pour examiner l’histoire naturelle de ces îles et celle de Madagascar ; le second pour être à portée d’aller observer dans l’Inde le passage de Vénus. »
Le 12 décembre, la Boudeuse suivie de l’Etoile quittent Port Louis. Bougainville rajoute dans son carnet de bord : « J’y ai laissé sur la demande de l’Intendant pour le service du Roi dans la colonie : Commerson des Humbert, naturaliste embarqué sur l’Etoile, et son valet fille en homme. » Et plus loin « Sur la demande qui m’a été faite par Monsieur Poivre, Commissaire
Général de la Marine, faisant fonction d’Intendant en cette isle, d’y laisser Monsieur de Commerson Médecin Naturaliste du Roi envoyé par sa Majesté pour examiner toutes les parties relatives à l’histoire naturelle dans le cours de notre expédition, nous lui avons permis de débarquer » puis à propos de Jeanne Baret : « la cour, je crois, lui pardonnera l’infraction aux ordonnances. »
C’est, à n’en pas douter, une mesure disciplinaire mais c’est aussi une forme de protection au regard des sanctions qu’ils pouvaient tous les deux encourir à leur retour en France. Cette disgrâce dure trois longues années au cours desquelles le naturaliste passe de déconvenues en découragements, dans une situation financière de plus en plus critique. Il meurt à l’âge de 46 ans, le 13 mars 1773, six ans après son départ de Rochefort. Redevenue officiellement femme, Jeanne reste auprès de lui en prenant soin de cet homme souffrant et ce, jusqu’au dernier moment. Un descendant par alliance de Commerson, F.B. de Montessus de Ballore écrira en 1889 dans une biographie à propos de Jeanne : « Il lui restait un serviteur fidèle, celui qui avait assisté à toutes ses peines, à tous ses dangers. Sa main hospitalière était là pour lui rendre de grands services, sa parole était là pour lui apporter des consolations et l’exhorter à l’espérance.
Il suffit souvent, dans l’abandon, d’un serviteur zélé pour procurer un soulagement aux misères humaines, et Jean Baret était ce serviteur. »
Elle a 32 ans à la mort de son maître, elle se retrouve maintenant seule sur cette île, si loin de la France.


L’épilogue

Pour avoir enfreint la règle Philibert Commerson et « son valet » sont débarqués sur l’île Maurice, Jeanne Baret se retrouve bientôt seule et abandonnée après le décès de son maître. Elle a 32 ans. Elle n’a plus droit à la moindre considération ni à la moindre assistance. Jeanne trouve alors un moyen de survie en ouvrant un cabaret-billard à Port Louis, la capitale de l’Ile Maurice. Quelques mois plus tard, elle est condamnée à titre d’exemple pour la colonie : elle sert de l’alcool le dimanche et ses clients sont ivres à l’heure de la messe. Elle rencontre alors Jean Dubernat, un périgourdin, soldat de la Marine avec lequel elle se marie le 17 mai 1774. C’est, pour elle, l’occasion de pouvoir enfin rentrer en France car ce mariage avec un militaire est le seul moyen d’obtenir une autorisation de rapatriement.
Elle revient à Paris en 1776 avec plus de 30 caisses scellées contenant 5000 espèces de plantes ramassées au cours de son périple autour du monde, 3000 d’entre-elles sont nouvelles. Elle fait parvenir ce trésor au Jardin du Roi. Ces collections iront rejoindre celles du Muséum d’Histoire Naturelle où l’on peut toujours consulter les manuscrits de Commerson, qui n’a malheureusement rien publié. Buffon en fera l’inventaire puis Jussieu et Lamarck les étudieront. Elle reçoit la part de l’héritage que lui a léguée Philibert Commerson et, le 13 novembre 1785, elle est honorée pour son engagement dans l’expédition de Monsieur de Bougainville. Son travail auprès de Commerson est reconnu de façon officielle par le Roi qui lui accorde une pension de 200 livres.
A 45 ans, Jeanne peut être fière de son parcours. Elle partage maintenant sa vie entre sa Bourgogne natale et Saint Aulaye sur Dordogne, sans doute pour avoir épousé un périgourdin. Saint Aulaye est alors un petit village autonome dont le port, aux quais de pierres, témoigne d’une activité florissante à cette époque. Il fera partie plus tard, en 1824, de la commune de Saint Antoine de Breuilh.

Jeanne Baret s’éteint au lieu-dit « Les Graves » le 5 août 1807 à l’âge de soixante-sept ans. Restée fidèle à la famille Commerson, elle fera à son tour d’Archambaud, le fils légitime de Philibert Commerson, son héritier. Elle repose depuis, au cimetière de Saint Aulaye près de l’église.

Jeanne Baret a donc bien fait le tour du monde. Partie de Rochefort en 1767, elle rentre en France neuf ans plus tard. Elle est la première femme a avoir réalisé un tel exploit.


Nous ne savons malheureusement pas grand chose de sa vie à Saint Antoine de Breuilh et en particulier à Saint Aulaye. Elle y a vécu plus de vingt ans et est décédée aux Graves, lieu-dit situé entre l’actuel centre bourg et la Moutine. Il y avait tout au plus, à l’époque, trois maisons. Laquelle était la sienne ? Avait-elle habité ailleurs sur le commune ?
Toute information utile à ce sujet sera la bienvenue. (contacter la mairie de Saint Antoine de Breuilh)
En décembre 2008, la municipalité a voulu honorer Jeanne Baret en donnant son nom à la salle des fêtes ainsi que le nom du bateau sur lequel elle navigua : l’Etoile, à l’ancienne salle polyvalente.

Sources :
L’affaire Jeanne Baret, par Nicole Creystey, professeur agrégée
de sciences naturelles à l’IUFM.
Une femme autour du monde, par Matthieu Noli.
Illustrations de Marc Bourgne et Cyril Leriche
Valérie Jonquille, Mairie de Saint Antoine de Breuilh